La diffusion des œuvres cinématographiques à la télévision : sur quelques problématiques contemporaines 

Marc Le Roy
Docteur en droit
www.droitducinema.fr

Article paru dans le Lamy droit de l'immatériel de juillet 2012, page 71

 

À la mémoire de Grégoire Forest.

Il y a trente ans, la loi du 29 juillet 1982 marquait la fin du monopole d’Etat en matière de communication audiovisuelle. La recomposition du paysage télévisuel français s’opère depuis progressivement : Canal +, TV6 (future M6) et La Cinq font leur apparition. En 1986, le Gouvernement Chirac décide de privatiser une des trois chaînes de service public ; c’est ainsi que TF1 sera privatisé pour être vendu au groupe Bouygues en 1987. Dans le même temps, l’apparition du câble terrestre en France et les premières expériences de télévision par satellite permettent aux français de bénéficier d’un choix de chaînes de plus en plus important. La fin du monopole télévisuel prévu par la loi de 1982 est donc une réalité dans la mesure où la concurrence a fait son apparition dans les années 80 et s’est depuis considérablement développée. Aujourd’hui tous les foyers français reçoivent en qualité numérique une vingtaine de chaînes de télévision par le biais de la télévision numérique terrestre. Dans le même sens, beaucoup de Français ont décidé de souscrire un abonnement payant pour s’abonner au câble, au satellite ou à l’ADSL ce qui leur permet de recevoir des centaines de chaînes. Plus récemment, c’est la notion même de chaîne de télévision qui évolue avec l’apparition de nouvelles pratiques. Les différents canaux de vidéo à la demande (VOD) et de télévision de rattrapage visibles sur son ordinateur, sa télévision voire son téléphone portable permettent à n’importe quel Français de voir ou revoir un programme quand il le souhaite, l’autorisant ainsi à s’affranchir des grilles horaires proposées par les chaînes traditionnelles. Trente ans ont passé depuis l’adoption par le Parlement de la loi de 1982 et la concurrence n’a jamais été aussi intense. Non seulement les chaînes de télévision et les supports de diffusion se multiplient mais, comme nous l’avons précisé, les modes de diffusion subissent une véritable révolution (internet, VOD…). L’apparition de cette concurrence multiple impose en toute logique aux exploitants d’être de plus en plus compétitifs. La chaîne de télévision Canal + a compris dès son apparition en 1984 que la diffusion d’œuvres cinématographiques, c’est-à-dire d’œuvres exploitées en salles de cinéma, pouvait constituer un argument commercial décisif au point d’en faire un slogan : « Canal +, la chaîne du cinéma ». L’apparition de la concurrence entre chaînes de télévision leur impose d’être le plus compétitives possible dans le domaine de la diffusion d’œuvres cinématographiques. Les opérateurs de câble terrestre (opérateur unique aujourd’hui) puis de satellite et d’ADSL proposent des « bouquets » de chaînes principalement consacrées à la diffusion d’œuvres cinématographiques. Récemment, et sans succès, c’est l’opérateur de téléphonie Orange qui a lancé un « bouquet » de ce type. Les Français sont particulièrement attentifs à l’offre cinématographique proposée par chaque chaîne. La multiplication de la concurrence entre chaînes de télévision trouve certainement son paroxysme dans le domaine de la diffusion des œuvres cinématographiques.
La fin du monopole télévisuel et l’apparition concomitante d’une concurrence n’impliquent pas l’absence de règles. Maurice Allais, prix Nobel d’économie, remarqua très tôt que « les erreurs dans lesquelles sont tombés bien des meilleurs esprits proviennent, nous en sommes convaincus, de l’identification du régime concurrentiel à un régime de laisser-faire. En réalité il n’y a pas de pire confusion ». En effet, la concurrence entre les chaînes n’implique pas un régime de « laisser-faire » mais entraîne au contraire un encadrement conséquent des pratiques de chaque opérateur notamment dans le cadre de la diffusion d’œuvres cinématographiques. Au surplus, la concurrence entre opérateurs peut être limitée par des règles visant à protéger l’intérêt général. Pour le dire autrement, les chaînes de télévision ne sont pas libres aujourd’hui de diffuser les programmes qu’elles souhaitent quand elles le désirent. Canal + s’est, dès son apparition, heurtée à ces problématiques. Ainsi, la diffusion des films est encadrée et ne peut intervenir qu’après un certains temps suivant leur diffusion au cinéma. Dans le même sens, cette chaîne qui a été la première en France à pouvoir diffuser des films d’horreur particulièrement violents et des films pornographiques ne peut pas tout diffuser et notamment pas à n’importe quels horaires. Ces problématiques d’hier sont toujours d’actualité bien que la multiplication des modes de diffusion puisse laisser dubitatif quant à leur réelle utilité et pertinence. Au début de l’année 2012, la chaîne Allociné a annoncé qu’elle cessait toute activité notamment en raison de la rigidité française en matière de chronologie des médias et de jours interdits à la diffusion d’œuvres cinématographiques. Dans ces conditions, un exposé des principales problématiques liées à la diffusion des œuvres cinématographiques à la télévision peut s’avérer pertinent. On peut en effet s’interroger sur les limites imposées aux chaînes dans le cadre de la diffusion d’œuvres cinématographiques. Ainsi, une chaîne de télévision peut-elle tout diffuser ? Y a-t-il des œuvres cinématographiques qui ne peuvent être diffusées en France ? À partir de quand un film peut-il être diffusé à la télévision et sous quelles conditions ? Ainsi, une chaîne peut-elle décider de diffuser quand et comme bon lui semble une œuvre cinématographique ?
Trente ans après la fin du monopole en matière télévisuelle, la multiplication des chaînes de télévision, l’explosion d’internet et l’apparition de nouveaux services comme la VOD ou la télévision connectée impliquent une concurrence exacerbée en matière de diffusion d’œuvres cinématographiques. Face à cette concurrence, les restrictions temporelles à la diffusion de telles œuvres à la télévision n’ont jamais été aussi pressurisées (I). Au contraire, la protection de la moralité lors de la diffusion d’œuvres cinématographiques à la télévision, bien que perfectible, semble servir de référence en la matière (II).  

 

La suite dans le Lamy droit de l'immatériel de juillet 2012, page 71

 

Marc Le Roy

Docteur en droit

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