Réguler les influenceurs ? La piste inexploitée de la régulation de leurs diffuseurs.

Marc Le Roy
Docteur en droit
Auteur de Droit de l'audiovisuel, 2e. édition, 2022
24 janvier 2023

 

On parle beaucoup de la régulation des différentes activités des influenceurs et notamment de leurs communications commerciales. On oublie de préciser que ces influenceurs passent souvent par des plateformes de partage de vidéos (PPV) pour effectuer ces communications commerciales. Or, les plateformes de partage de vidéos sont des services audiovisuels (mais pas des éditeurs de services comme les chaînes ou les SMAD) définis et encadrés par la loi de 1986 sur l'audiovisuel depuis 2020 (v. art 2 pour la définition des PPV et art. 60 pour les règles qu'ils doivent respecter sous contrôle de l'ARCOM).
En matières de communications commerciales audiovisuelles (com com), l'ARCOM doit s'assurer que les PPV informent de la présence de com com : "L'ARCOM veille à ce que les fournisseurs de plateformes de partage de vidéos informent clairement les utilisateurs de l'existence de ces communications commerciales au sein des programmes et des vidéos créées par les utilisateurs, lorsque ces communications ont été déclarées par les utilisateurs qui les mettent en ligne ou lorsqu'ils en ont connaissance" (art. 60 de la loi de 1986).


Au surplus, la loi de 1986 renvoie à un décret le soin d'organiser les exigences pour encadrer les com com. Ce décret a été édicté le 30 décembre 2021 et, s'il n'est pas très développé, pose tout de même un certain nombre d'exigences à respecter par les PPV sous contrôle de l'ARCOM. Ainsi, les com com doivent être "facilement reconnaissables comme telles" ; les com com subliminales ou clandestines sont interdites : les communications commerciales audiovisuelles ne portent pas atteinte à la dignité de la personne humaine et respectent l'image de la femme ; ne comportent pas de discrimination fondée sur le sexe, l'origine raciale ou ethnique, la nationalité, la religion ou les convictions, un handicap, l'âge, l'orientation sexuelle ou l'identité de genre, ni ne promeuvent une telle discrimination ; n'encouragent pas des comportements préjudiciables à la santé ou à la sécurité ; n'encouragent pas des comportements gravement préjudiciables à la protection de l'environnement. Le décret prévoit également que les communications commerciales audiovisuelles ne causent pas de préjudice physique, mental ou moral aux mineurs. A cette fin, elles ne doivent pas : Inciter directement les mineurs à l'achat ou à la location d'un produit ou d'un service en exploitant leur inexpérience ou leur crédulité ; Inciter directement les mineurs à persuader leurs parents ou des tiers d'acheter les produits ou les services faisant l'objet de la publicité ; Exploiter la confiance particulière que les mineurs ont dans leurs parents, leurs enseignants ou d'autres personnes ; Présenter sans motif des mineurs en situation dangereuse.

 

On ajoutera enfin que l'article 60 de la loi de 1986 prévoit que les com com diffusées sur les PPV doivent respecter l'article 15 de cette même loi.

 

 Avec tout ceci il me semble qu'il y a déjà beaucoup de possibilités inexploitées pour restreindre les abus des influenceurs en passant par la responsabilisation des diffuseurs c’est-à-dire les plateformes de partage de vidéos. La loi de 1986 donne le soin à l’ARCOM de contrôler le bon respect de ces dispositions. La loi de 1986 prévoit depuis 2020 qu’un rapport doit être publié chaque année par l’ARCOM sur la mise en œuvre de cet article 60. Il est également prévu que l’ARCOM doit établir une liste des plateformes de partage de vidéos qui relèvent de la France et donc de l’ARCOM (art. 59 de la loi de 1986). Je n’ai pas trouvé cette liste, ni les rapports sur la mise en œuvre de l’article 60. J’ai probablement mal cherché…

 

Pour aller plus loin :

 

- M. Le Roy, Le nouveau droit des plateformes de partage de vidéos, Légipresse Dalloz, mai 2021, p. 205


Observatoire européen de l'audiovisuel (Conseil d' l'Europe), Mapping report on the rules applicable to video-sharing platforms, octobre 2021. Marc Le Roy y a réalisé la partie relative à la France.

 

- M. Le Roy, Droit de l'audiovisuel, Ind. Pub., 2e éd. 2022

 

 

Marc Le Roy

droitducinema.fr

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