Ordonnance 2009-1358 du 5 novembre 2009 modifiant le code du cinéma et de l'image animée

Cette ordonnance complète le Code du cinéma et de l'image animée issu de l'ordonnance n° 2009-901 du 24 juillet 2009. On note un certain nombre d'évolutions dont le renforcement de la place du contrat :

A- Contrat de programmation :

1. la part de marché de nos films nationaux est une des plus élevées du monde (hors pays pratiquant des quotas de programmation de film nationaux comme la Corée du sud) et celle du cinéma européen dépasse régulièrement les 50% (13,3% en Espagne en 2008, 31% au Royaume-Uni en 2008, Source CNC). Ce système n'est cependant pas parfait. S'il est paradoxalement globalement approuvé par les Multiplex ce sont plutôt les salles " art et essai " qui s'en plaignent. En effet, les engagements conduisent les gros opérateurs à proposer des films à faible budget qui sont plutôt programmés dans de petites salles. Les Multiplex peuvent donc venir concurrencer les petites salles. Pour solutionner ces problèmes, le rapport Maistre propose une meilleure prise en compte des zones de concurrence locales afin de faire respecter au mieux l'intérêt général et la concurrence dans des zones locales appréciées au cas par cas (p. 21 du rapport). Le rapport Maistre met également en avant le fait que ces accords de programmation ne donnent pas lieu à sanction en cas de non respect et ne sont pas organisés par de véritables contrats. Le rapport recommande ainsi d'organiser ces accords par la voie d'un véritable contrat. Ces recommandations ont été prises en compte dans la mesure où le CCIA reprend cette notion de contrat en mentionnant des contrats de programmation et des clauses obligatoires. L'article L. 212-21 du code issu de l'ordonnance n° 2009-1358 du 5 novembre 2009 précise ainsi " ce contrat doit prévoir le versement par l'établissement au groupement ou à l'entreprise pilote de l'entente, en contrepartie des prestations fournies, d'une redevance de programmation qui tient compte des ressources de l'établissement et des services qui lui sont procurés ". Par contre l'article L. 212-26 du code renvoie les autres obligations du contrat de programmation et les modalités de souscription, de notification, d'homologation et de contrôle des engagements de programmation à un décret pris en Conseil d'État après avis de l'Autorité de la concurrence (non encore paru).


2. On peut s'interroger sur la nature de ces futurs contrats conclus entre le CNC (personne publique) et les exploitants (personnes privées dans la plupart des cas). La loi ne détermine pas la nature de ces contrats ; il appartiendra donc aux différentes juridictions de qualifier ces contrats. On peut parier que ces contrats seront administratifs dans la mesure où les clauses imposées par décret (la loi parle de clauses obligatoires) ne seront pas des clauses que l'on trouve classiquement dans les contrats civils et commerciaux. Or, la présence de telles clauses conduit à qualifier un contrat d'administratif (CE Sect. 20 octobre 1950, Stein, p. 505). Au surplus, le juge administratif reconnait qu'une clause fondée directement sur des motifs d'intérêt général est une clause exorbitante du droit commun (CE Sect. 20 avril 1956, Epoux Bertin, p. 167 ; AJDA 1956, p. 272, concl. Long). Or, l'article L 212-22 du code prévoit que " les engagements de programmation cinématographique ont pour objet d'assurer la diversité de l'offre cinématographique et la plus large diffusion des œuvres cinématographiques conforme à l'intérêt général". Il reste à espérer que de tels contrats voient véritablement le jour. Rappelons en effet que le décret de 1983 portant application de la loi de 1982 relative à la programmation des œuvres cinématographiques en France évoquait déjà explicitement des " conventions "… La naissance de véritables contrats de programmation donnerait probablement lieu à la construction d'un véritable contentieux en la matière. En l'état actuel des choses, le contentieux est quasiment inexistant (pour un des rares exemples, v. CE n° 170344 et 170349, 12 avril 1998, ASSOCIATION FRANCAISE DES PRODUCTEURS DE FILMS ET DE PROGRAMMES AUDIOVISUELS, mentionné dans les tables du recueil Lebon). La nature administrative du contrat laisserait une place importante au tiers et donc aux concurrents qui pourraient contester la légalité des contrats conclus entre le CNC et les groupements (sur ce type de contentieux, v. Jacques Petit et Pierre-Laurent Frier, Précis de droit administratif, Montchrestien, 5ème éd. 2008, p. 368 et s.).

B- Contrat conclus entre les distributeurs et les exploitants :

27. L'ordonnace prévoit que dorénavent, les distributeurs concluent avec les exploitants un contrat de location de film appelé " Contrat de concession des droits de représentation cinématographique ". Précédemment régi par la décision réglementaire n°68 du CNC (Décision du 25 mars 1993), ces contrats sont dorénavant organisés par l'article L. 213-14 du CCIA qui prévoit un certain nombre de clauses obligatoires. Si la décision réglementaire n°68 du CNC prévoyait déjà l'obligation de conclure un contrat entre le distributeur et l'exploitant, cette obligation n'était que très rarement respectée. Il était donc difficile de régler les conflits qui pouvaient naitre entre ces acteurs faute de contrat. En réaffirmant la nécessité d'un contrat, cet article du CCIA qui devrait acquérir valeur législative est pensé pour imposer la conclusion d'un document contractuelle qui pourra servir de base au règlement des nombreux litiges en la matière (sur ces problématiques, v. Rapport du Club des 13, Le milieu n'est plus un pont mais une faille, Stock, 2008 et notamment la partie intitulée : "De la violence des rapports entre distributeurs et exploitants "). Les clauses de ces contrats devront prévoir notamment la durée de programmation, les paliers de décrochage (sous quelles conditions de fréquentation le film ne sera plus programmé par l'exploitant), le taux de location…Ce sont les litiges relatifs à ces contrats (voire jusqu'à présent l'absence de conclusion de ce type de contrat) qui pourront être soumis pour conciliation au Médiateur du cinéma.

Marc Le Roy

Docteur en droit

droitducinema.fr

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