Marc Le Roy
  Docteur en droit
  Chargé de cours à l’Université de Tours
  www.droitducinema.fr
  
  La publicité sous tous supports semble saisie par une vague de  puritanisme inquiétante et peu lisible. D’un côté,  il semble de plus en  plus commun de voir à la télévision des publicités comportant des femmes de  moins en moins habillées pour vendre des yogourts ou des plats surgelés et, de  l’autre,  le Jury de déontologie de la  publicité commence à prendre l’habitude d’interdire des publicités parodiques portant,  selon lui, atteinte à la dignité de la femme. On peut également citer les  actions récentes de la RATP visant à refuser des campagnes d’affichage au nom  des bonnes mœurs.  Au final, la régulation de la publicité laisse apparaître une ligne directrice  à plusieurs vitesses souvent critiquable en raison d’un puritanisme peu  justifié. 
  Le site de livraison à  domicile Alloresto.fr vient de subir  les conséquences de cette régulation en se voyant interdire une série de  publicités diffusées sur les sites de vidéos en ligne. Un particulier (la décision du Jury de déontologie de la  publicité (ci-après JDP)  n’en dit pas  plus…) a saisi le JDP afin que ce dernier fasse cesser la diffusion d’une  des deux publicités mises en ligne par le site Alloresto.fr. L’objet du litige est une publicité parodique centrée  sur l’actrice de films pornographiques Katsuni. Cette dernière explique face  caméra qu’elle travaille beaucoup et qu’elle a exercé « un peu tous les métiers ». S’en suit  une série de trois scénettes, recréant l’ambiance des films pornographiques  des années 70 et 80, où l’actrice exerce successivement les métiers de  secrétaire, « soubrette » et médecin. Dans ces trois scènes assez  drôles l’actrice se voit demander de « faire  un point sur les liquidités de l’entreprise » pour son supérieur qui  s’avère être un homme que l’on devine entreprenant ; de dépoussiérer une  bibliothèque par un employeur masculin qui admire l’actrice perchée sur un  escabeau et enfin de retourner voir en urgence un patient qui « présente une rigidité suspecte à l’aine »…  Au terme de ces trois scénettes, l’actrice explique qu’après de telles journées,  elle se réserve le droit de dire « stop  pas ce soir ! » lorsqu’il s’agit de…cuisiner. Dans cette  situation, il lui est alors possible de commander en ligne via le site internet Alloresto.fr. 
  Suite à la « plainte » déposée  par un particulier, le JDP a considéré dans une décision du 16 janvier 2013 que  « cette publicité propage une image  de la femme portant atteinte à sa dignité et à la décence et la réduisant à la  fonction d’objet. Elle présente en outre pour partie des situations de  domination et d’exploitation d’une personne par une autre de manière  complaisante ». Le JDP a alors saisi le directeur général de  l’Autorité de régulation professionnelle de la publicité (ARPP) afin que ce dernier fasse cesser  la diffusion de cette publicité. 
  Le JDP n’est pas à son coup d’essai et  s’était déjà illustré en la matière un an auparavant dans une décision de même  nature rendue au sujet d’affiches du film Les  infidèles avec Jean Dujardin. 
  La décision relative à la publicité du site internet Alloresto.fr nous semble critiquable  pour diverses raisons. Dans un premier temps, les fondements évoqués par le JDP  (dignité de la femme, réification de la  femme, exploitation, domination…) nous semble en décalage complet avec la  réalité de la publicité visée (I). Cette absence de mesure met, dans un second  temps, en lumière l’absence totale de garantie procédurale offerte par le JDP  lors de son travail de régulation (II). Au final, cette affaire laisse  apparaître un déséquilibre inquiétant entre la portée (économique, symbolique) des décisions et l’organisation juridique  de cette régulation par le JDP qui, précisons-le, n’est qu’une simple  association. 
La suite dans le numéro du Lamy Droit de l'immatériel d'avril 2013
- La décision du Jury de déontologie de la publicité
Marc Le Roy
Docteur en droit
droitducinema.fr