Autorisation d’ouverture de salles de cinéma : le Conseil d’Etat entre culture et zone de chalandise :

Marc Le Roy
Docteur en droit public

 

Les autorisations dispensées en matière d’équipements cinématographiques sont aujourd’hui régies par la loi du 4 août 2008 qui a abrogé le régime mis en place par la loi modifiée du 27 décembre 1973. En l’absence de décision rendue sur ce nouveau fondement législatif, l’étude de la jurisprudence récente rendue sur le fondement de la loi de 1973 donne un bon aperçu de ce que devrait être le nouveau régime d’autorisation. En effet, la combinaison des anciennes dispositions législatives et de la jurisprudence du Conseil d’Etat laisse apparaître que l’application de la loi de 2008 ne devrait pas apporter d’évolution substantielle du régime des autorisations dispensées en matière d’équipements cinématographiques. Dans ces conditions l’étude de l’application de l’ancien régime législatif laisse en grande partie présager ce que sera l’application de la loi nouvelle.

Tout comme les commerces qui dépassent une certaine taille, les création, extension et réouverture de salles de cinéma sont soumises en France à autorisation administrative. Autrefois régie par le chapitre II bis de la loi du 27 décembre 1973 dite « loi Royer » (loi n° 73-1193, JO du 30 décembre 1973, p.14139), l’autorisation de création, d’extension et de réouverture de salle est dorénavant astreinte à un nouveau régime. L’article 105 de la loi du 4 août 2008 relative à la modernisation de l’économie (loi n° 2008-776, JO 5 août 2008, p. 12471) abroge le dispositif mis en place par la loi Royer. Pour autant, bon nombre de contentieux qui se sont formés avant la mise en place de ce nouveau régime arrivent aujourd’hui devant le Conseil d’Etat. Les décisions qui en résultent peuvent paraitre obsolètes et sans intérêt pour la compréhension du nouveau régime issu de la loi de 2008. Il n’en est rien dans la mesure où le nouveau régime s’inspire en grande partie de ce qui existait dans la loi Royer. Il en résulte que plusieurs jurisprudences récentes du Conseil d’Etat rendues sur le fondement de la loi Royer éclairent le fonctionnement futur du nouveau régime d’autorisation de création, d’extension et de réouverture des salles de cinéma.
Le Conseil d’Etat s’est récemment intéressé à deux projets concurrents de création de salles de cinéma dans la région montpelliéraine puis à la création de salles dans la ville de Nîmes. Deux sociétés de la région montpelliéraine ont chacune déposé un dossier devant la Commission nationale d’équipement commercial siégeant en matière cinématographique (CNEC). La Sté du Pic Saint-Loup veut créer un cinéma de 8 salles (1480 places) à Saint-Gély-du-Fesc et reçoit une autorisation de la CNEC. La SARL Immociné 34 a demandé une autorisation pour créer un cinéma de 9 salles et 1550 places à Juvignac. La commission lui a refusé l’autorisation. À Nîmes, la sté Espace Vox veut créer un cinéma de 7 salles et de 1182 places. Une autorisation lui est accordée le 19 novembre 2008 par la CNEC.
Ces trois décisions ont été contestées devant le Conseil d’Etat compétent en premier et dernier ressort pour statuer sur la légalité des décisions de la CNEC (la compétence pour connaître de ce contentieux relève dorénavant en premier ressort, des tribunaux administratifs depuis la publication du décret n° 2010-164 du 22 février 2010). La sté Immociné 34 effectue deux recours. Elle demande l’annulation du refus qui lui a été opposé pour la création de son cinéma à Juvignac et demande l’annulation de la décision d’autorisation donnée à la sté du Pic Saint-Loup pour la création de salles à Saint-Gély-du-Fesc. À Nîmes, ce sont deux cinémas concurrents gérés par la sté Forum Kinépolis et la sté Le Semaphore qui demandent l’annulation de l’autorisation accordée à la sté Espace Vox. Il appartenait donc au Conseil d’Etat de déterminer si les deux autorisations et le refus d’ouverture avaient été légalement délivrés par la CNEC. L’occasion est ainsi donnée à la haute juridiction administrative de préciser les conditions d’ouverture de salles posées par la loi de 1973.
Les trois décisions rendues respectivement le 9 avril (deux espèces) et 23 juillet 2010 donnent un bon aperçu du régime d’autorisation pratiqué par la CNEC sous le contrôle du juge administratif. Ces trois décisions sont des décisions de rejet qui développent une argumentation complémentaire permettant d’avoir une grande lisibilité des conditions exigées en matière de création, extension et réouverture de salles de cinéma. Si ces décisions éclairent didactiquement le régime d’autorisation posé par la loi de 1973 (I), elles apportent également des éléments de compréhension du nouveau régime posé par la loi de 2008 (II).

 

Retrouvez la suite de l'article le JCP Entreprise n° 8 du 24 février 2011, commentaire et étude n° 1157

 

Marc Le Roy

Docteur en droit

droitducinema.fr

 

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